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MAURIN DES MAURES

comte retirait sa candidature, les voix « réactionnaires » iraient au moins bon des deux, compromettant ainsi l’élection du meilleur.

Le comte de Siblas ne souriait plus.

— Monsieur Maurin, dit-il, vous êtes sûr de votre homme ? de celui que vous appelez le bon ?

— Sûr, répliqua Maurin qui, parlant d’après l’intègre M. Rinal, aurait donné sa tête à couper pour répondre de M. Vérignon.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Vous devez le connaître : il a fait des histoires dans les livres ; c’est Vérignon.

Il disait : « C’est Vérignon » d’un ton qui signifiait : le grand Vérignon, que tout le monde connaît en France, Vérignon enfin, l’ami Vérignon !

— Ah ! dit le comte, c’est en effet un esprit vigoureux et fin, et c’est un caractère d’honnête homme. C’est un vrai savant et un désintéressé, l’espèce d’hommes la plus rare qui soit. Si vous êtes pour Vérignon, je maintiendrai ma candidature à seule fin de retirer à son rival les voix qui vous font peur. Ce qu’il nous faut, à la Chambre, puisque nos opinions ne peuvent pas y triompher, ce sont des adversaires intelligents et honnêtes, des caractères. Votre Vérignon est de ceux-là. Vous pouvez compter que ce que je vous dis, je le ferai.

Maurin, cette fois, regardait M. de Siblas avec une admiration sourde, béate. Il demeura longtemps pensif, immobile, éprouvant une émotion telle que seul M. Rinal lui avait donné la pareille.

— Eh bien, Maurin, qu’y a-t-il ? dit doucement le comte, qui comprenait fort bien à quelle nature il avait affaire.