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MAURIN DES MAURES

l’oreille et la lui pinça comme à un enfant ; c’était pure gentillesse, mais Maurin cessa de sourire.

— À quoi penses-tu ?

— À deux choses à la fois.

— Quelle est la première ?

— D’abord que vous ne me prendriez pas comme ça par l’oreille si, au lieu de m’avoir fait venir sur votre bateau, vous m’aviez rencontré dans votre bois.

— Et tu en conclus ?

— Que sur votre bateau vous vous sentez mieux chez vous.

— Et à quelle autre chose as-tu pensé, quand je t’ai pris par l’oreille ?

— À mon ami Caboufigue, qui, pas plus tard que ce matin, m’a un peu tapé sur le ventre.

— Eh bien ? interrogea le jeune comte charmé.

— Eh bien, dit Maurin froidement, sur le ventre c’était, monsieur le comte, l’impertinence d’un bourgeois… Je le lui ai dit, ou du moins j’ai tâché de lui faire entendre.

— Maître Maurin, dit le comte, touchez là. Vous êtes un homme ; et tout ce que j’ai fait n’était que pour vous éprouver. Pardonnez-moi. Et quand vous voudrez un faisan qui vous aura été commandé, venez le tuer dans mon île. Je vous donne ma parole que vous avez un ami.

— Monsieur le comte, dit Maurin avec noblesse, j’accète (j’accepte) et je vous donne ma parole que vous ne vous repentirez pas de votre bonté… Au lieu de manger du faisan les gens de noce à l’avenir mangeront du lièvre… Je suis fier d’être votre ami, pourquoi vous êtes un brave homme… C’est drôle, vous m’avez remué le sang.