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MAURIN DES MAURES

même route. Un pauvre est souvent plus heureux qu’un roi.

— Quand j’étais roi chez les nègres, dit Caboufigue, — en assurant sur sa tête son grand chapeau de feutre posé en couronne, un peu en arrière, — j’ai pensé bien souvent qu’il y a une destinée pour chacun de nous, et qu’on ne peut pas la changer. La mienne est dans la richesse et les grandeurs. La tienne, mon brave Maurin, est de transpercer des perdrix, des lièvres et des cœurs de femme.

— Et des sangliers ! compléta Maurin. J’ai trente-quatre queues de porcs à la maison… une vraie fortune, comme tu vois ! Est-ce que tu ne pourrais pas monter une affaire avec mes queues de cochon ? Je te les donnerais de bon cœur !… Tiens, mon pauvre Caboufigue, apprends que je ne changerais pas avec toi ! J’ai beau te regarder, tu ne sembles pas heureux, Caboufigue. Et tu ne devais pas l’être, même quand tu étais roi…

— Je suis heureux, dit Caboufigue, qui mentait par orgueil ; je suis heureux.

— Je suis curieux de ton bonheur, dit Maurin, explique-le-moi.

— Depuis les princes et les ministres, en passant par les préfets et les notaires, pour arriver à mes enfants et à mes domestiques, tout le monde, dit fastueusement Caboufigue, me parle de mon argent, m’en emprunte ou m’en vole !

— Tu as le bonheur facile, dit Maurin. S’il ne faut que te demander ta bourse pour te rendre heureux, passe-la-moi, je te la rendrai.

— Tu me comprends mal ou tu fais semblant,