d’où il était vraiment revenu cousu d’or et chargé d’or.
Ce personnage bizarre avait été roi quelque temps d’une peuplade de nègres chasseurs, tributaires du négus Ménélik. Plus tard, il avait été, durant trois années, un peu médecin du schah de Perse qui, disait-on, l’avait payé d’une cargaison de pierres précieuses.
Caboufigue était trente fois millionnaire et il était en passe de doubler sa fortune, grâce à une opération extraordinaire qu’il dirigeait en Amérique. Au fond, c’était une manière d’homme de génie. Le génie des affaires n’exige pas l’élévation des idées et des sentiments. C’est même souvent le contraire. Caboufigue, sous sa redingote établie par l’un des meilleurs faiseurs parisiens, avait l’air d’un roulier normand plutôt que d’un parvenu provençal. Il continuait à s’exprimer dans un français canaille semé de locutions triviales. Il parlait, si l’on veut, la langue de Maurin. Mais Maurin la parlait en homme de la nature et Caboufigue en homme des rues. Cependant Caboufigue avait trois secrétaires, tous trois licenciés en droit.
Caboufigue, qui avait quarante-deux ans, avait épousé dans sa jeunesse la fille d’une épicière de Sainte-Maxime, Amélie, qu’il appelait Mélia et qui savait à peine lire, mais qui prenait encore aujourd’hui, à quarante ans, des leçons de grammaire, d’orthographe, de piano, de mandoline et de danse.
Sa femme et lui avaient, comme beaucoup d’autres parvenus, le goût le plus vif pour la noblesse ; mais pourtant, on doit le dire, ils ne reniaient ni leurs origines ni leurs anciens amis. Cela les eût réduits à une quasi-solitude.