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MAURIN DES MAURES

— Et moi, dit-elle énervée par toutes ces flegmatiques résistances, jamais je ne supporterai que tu sois, même une heure, à une autre femme ou fille !

— Une seule poule ne suffit pas à entourer un coq, fit sentencieusement Maurin. Comment veux-tu que je réponde de moi ? Ça ne serait pas dans la nature… Tu le vois bien, par là, que je ne peux t’épouser.

— Et crois-tu que si je reste tienne sans être ta femme, je serai moins jalouse, et t’en permettrai d’autres ? Tiens, Maurin, voici, pour en finir, mon idée sur toi et sur moi. Ce qui est arrivé était dans mon destin, soit ; je reconnais qu’après tout je l’ai voulu comme toi et en même temps ; et qu’à la bonne Mère, tout en la priant pour qu’elle me délivrât de penser à toi, j’étais surtout contente de ne parler que de toi. Tu m’as ensorcelée, et c’est, je le veux bien, malgré toi-même, et je te le pardonne parce que tu me dis tout, franchement ; mais aux conditions que tu me fais, je n’accepte pas le marché pour l’avenir. Va-t’en tout de suite et ne me vois plus, ne me cherche plus. Adieu !

Elle s’était levée, pâle sous le noir de ses cheveux un peu défaits, ses lèvres tremblaient d’indignation et de douleur. Sa poitrine battait. Elle était belle. Maurin envisagea sans plaisir l’idée de renoncer à cette proie magnifique.

— Tonia ! dit-il (et il la prit dans ses bras), ne sois pas si méchante. Ce qui est fait est fait. Qu’une fille soit à un homme une fois seule, ou vingt fois, le nombre des baisers ne change rien à la chose : on est à lui tout à fait dès le premier, et à s’en tenir au premier on renonce à de la joie sans regagner ce qu’on a perdu. Ne me fais pas ni à toi cette peine inutile de ne me plus