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MAURIN DES MAURES

— Elle pourrait être selon la justice, dit Maurin qui fumait tranquillement, si je t’avais volée malgré toi à toi-même ! Mais de ma vie je n’ai fait chose semblable, car c’est là action de canaille… Tu savais très bien au contraire ce que je voulais, et tu avais une aiguille corse pour m’arrêter.

— Enfin, dit-elle, m’aimes-tu ?

— Pour sûr, fit Maurin sincère, pour sûr ! et non guère ! je te l’ai dit et répété.

— Et voudras-tu de moi pour femme ?

— Tu as là décidément une idée qui tient comme une arapède au rocher, dit Maurin ; mais raisonne un peu. Si je te voulais épouser, ton fiancé se fâcherait, ton père me refuserait, et tout cela c’est une mauvaise affaire.

— Mon fiancé ira au diable et mon père où il voudra ! et l’affaire ne regarde, au bout du compte, que moi.

— C’est que… ma liberté, j’y tiens beaucoup ! dit Maurin. Certainement, ce me serait grand plaisir, en rentrant à la maison, de trouver chaque soir la gentille femme que toi tu es, assise près de la lampe allumée et de la soupe chaude, mais je n’y rentre guère à la maison, vois-tu. Les maisons ne sont pas faites pour moi. Ma mère rarement me voit. Je suis comme le lièvre qui a tous les gîtes et qui n’en a point. Aie donc avec moi un amour de peu de temps et songe que les gendarmes deviennent brigadiers avec des protections.

— Ainsi, tu supportes l’idée, fit-elle en se levant, de me voir donner à Sandri ?

— Pas maintenant, non, fit Maurin sans sourciller, mais je sais bien que je la supporterai un jour, quand il le faudra.