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MAURIN DES MAURES

terie est trop longue elle vous embête à la fin. Celle-ci date de toujours. C’est un peu de trop. » Cette opinion se peut soutenir.

— Ah ! ah ! dit l’ermite, tout le monde me la demande, l’histoire de l’âne de Gonfaron ! et quand je ne serais ici que pour la conter, j’aurais eu bien raison de me faire ermite — car je prends deux sous pour la commencer.

— Et pour la finir, combien ? dit Maurin.

— C’est à la générosité de chacun.

— Té, voilà deux sous. Accommence.

— Il y avait une fois à Gonfaron, dit l’ermite, voilà longtemps, longtemps, un sacristain petit, bossu, et paresseux. Un jour qu’en procession, le bon Dieu, porté par le prêtre sous le dais, devait monter jusqu’ici, au sommet de Notre-Dame-des-Anges, le curé dit au clion :

— « Joóusé ? »

— C’était donc toujours le même clion ? fit Maurin.

— Mettez-lui Piarré si vous voulez, dit l’ermite ; moi ça m’est égal.

— Piarré, balaie un peu la rue, du seuil de l’église jusqu’à la sortie du village, pour enlever les crottins des mulets et des chèvres, pour afin que le bon Dieu puisse passer proprement.

— Voui, moussu lou cura.

« Mais l’ouvrage que fit le méchant bossu ce ne fut guère, et quand l’heure de processionner fut venue, le curé et tout le village trouvèrent que la place et la rue étaient aussi sales qu’auparavant et même un peu davantage, parce qu’il était encore passé des chèvres et des mulets. Le paresseux bossu n’avait pas balayé.

— Mauvais âne ! lui dit le curé ; le bon Dieu dans un si sale chemin, véritablement, ne peut pas passer !