Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/302

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
MAURIN DES MAURES

nous aurions joué franc jeu. Maintenant c’est trop tard et je ne veux pas, moi, promettre une chose presque impossible. Un autre te dirait : « Oui », pour se débarrasser de ta demande, mais moi je ne te mentirai pas. Toutes me tiennent un peu et je tiens un peu à toutes. Je ne peux pas les toutes fâcher.

— Aimes-tu mieux n’en fâcher qu’une et que ce soit moi ? Tu sais bien que je suis Corse ?

— Oh bien ! moi, dit Maurin tranquillement, je suis Teur (turc), pauvre de moi !

Le Turc, pour un Provençal, c’est l’homme aux mille femmes. Le grand Turc a un grand sérail et les petits Turcs ont de petits sérails. Des Turcs, voilà tout ce que sait le bon Provençal, le Sarrazin de Provence, le Maure ; mais cela, il le sait bien.

— Regarde ! dit-elle.

Et lui montra son stylet, qu’elle tira enfin de sa poitrine et dont elle fit briller hors du fourreau la lame triangulaire.

— Celui-là vient trop tard, beaucoup trop tard ! répéta Maurin en riant… Les filles ne le sortent jamais qu’après.

— Prends garde à toi, je te dis.

Et son front se plissa, son œil jeta une flamme.

Elle tenait son stylet de la main gauche. Il lui saisit le poignet gauche et détourna la main droite de Tonia qui cherchait à reprendre son arme très aiguë.

— Voyons, ma belle, réfléchis. Je t’ai bien expliqué qu’un autre, quitte à faire plus tard à sa guise, promettrait vitement tout ce qu’il te plaît de demander. Un autre serait lâche. Moi, ça m’ennuie de mentir. Je t’aimerai par-dessus toutes, si tu veux, car par-dessus