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MAURIN DES MAURES

par Hyères et par Pierrefeu, et ils arrivèrent à Pignans à l’hôtel Bon Rencontre, chez les dévotes.

Les dévotes étaient deux sœurs, vieilles filles, fort maussades, groumant sans cesse contre les voyageurs et contre tout au monde, même contre les saints et contre le bon Dieu, qui laissent aller si mal les affaires d’ici-bas. Elles avaient, sur le marbre de leur commode, la statue d’un saint Antoine qu’elles mettaient en pénitence, quand elles avaient à se plaindre de lui, ce qui arrivait souvent. Alors, elles le retournaient face au mur, en l’accablant de reproches.

Mais, malgré leur méchante humeur légendaire, leur auberge était fort bien achalandée, parce que tout y était d’une propreté méticuleuse, et la cuisine digne d’un évêque gourmand.

On avait annoncé aux dévotes la visite de Tonia.

Un jeune ami d’Orsini, passant par là deux jours auparavant, les avait priées d’être aimables pour la Corsoise et de veiller sur elle. Elles la reçurent comme si elles l’eussent toujours connue.

— Comme ça, vous allez à Notre-Dame-des-Anges ? C’est un vœu ? oui ! Pieds nus ? Oh ! ne faites pas ça ! Ni les saints ni le bon Dieu n’exigent qu’on se rende malade.

« Dans cette saison, un mauvais rhume est vite pris.

« Songez qu’il y a en ce moment un gros passage de bécasses et que cela est marque de grand froid… Pourquoi avez-vous fait un vœu ?

« Nous vous demandons ça, mais ça n’est pas pour le savoir, pechère ! ça ne nous regarde pas. C’est pour « de dire », pour parler, pour le demander enfin.

« Quelque amourette, pardi, nous connaissons ça. Mais ça passe. Les hommes n’en valent pas la peine.