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MAURIN DES MAURES

aller qui sait où ! » Alors, mes amis, je ramassai une motte de terre, je visai bien, je la lançai — et le chapeau tomba comme un gibier ! mais le geai, mes amis, prit son vol et fila comme un chasseur en faute poursuivi par des gendarmes… C’était, je vous le dis, une masque… Osco, Manosco ! Marquez-moi celle-là !

On riait. La belle fille riait, près de Maurin, qui, de façon à être entendu d’elle, dit à voix basse au patron de l’auberge :

— Trois lapins et deux lièvres, ma chasse d’aujourd’hui, sont à l’endroit que tu sais ; vends-les pour mon compte et pour le mieux ; personne n’a besoin de savoir mes affaires.

Il rayonnait, Maurin ; il avait d’une seule histoire fait deux coups doubles : il avait fait rire la belle fille, et agacé les gendarmes : un ! — dissimulé aux yeux des autres auditeurs le profit de sa journée, et satisfait son imagination « d’artiste » : deux ! — car il venait d’inventer son histoire de toutes pièces. Et il savait très bien que tout ce monde n’était pas dupe de sa fable, et que tous l’admiraient de si bien mentir.

Il se moquait un peu de son public, en même temps que de sa prétendue maladresse, à laquelle nul ne croyait.

Et toute cette façon de rire de soi et des autres en se donnant un ridicule vrai ou seulement vraisemblable, c’est cela qui constitue la gouaillerie provençale, la galégeade. Qui trompe-t-on ici ?… Nous ne le saurons jamais.