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MAURIN DES MAURES

père ! Où j’ai laissé le tien, j’irai le reprendre au retour. Le diable m’emporte si quelqu’un se doute qu’il y a un couteau là-haut, dans les pignes. Personne ne le ramassera, vaï !… C’était bien envoyé, qué ?

Césariot ne répondit pas.

— Tu boudes ? À ton aise !

Puis brusquement, avec un grand éclat de voix joyeuse :

— Ah ! grande buse, va ! Tu cherchais une mère, tu trouves un père, et tu n’es pas content ?… bestiasse !…

Il but rasade, essuya sa bouche du revers de sa main et, avec son large rire plein de santé :

— Rappelle-toi qu’être sûr de son père c’est ce qu’il y a de plus difficile au monde, car, de mère, on n’en a jamais qu’une, pitoua !

La chaleur du repas le mettait en belle humeur :

— Té ! dit-il, puisque tu es mon fils, je vais te donner une cuisse de lièvre que je me gardais pour mon déjeuner de demain.

Et, gentiment, l’œil clair et tout brillant d’on ne sait quelle tendresse paternelle de bête heureuse, Maurin poussa devant Césariot, sur un morceau de pain taillé en assiette, le cuissot de lièvre promis.

— Té ! dit-il, avalo, couyoun !

L’autre, peu accoutumé à ces bombances, prit le bon morceau et se mit à le dévorer gloutonnement.

Maurin le regardait faire avec une satisfaction qui éclata dans toute sa physionomie :

— Tu es comme un petit loup de l’année ! fit-il avec admiration.

Il ajouta aussitôt, en manière de réflexion philosophique :