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MAURIN DES MAURES

ouverts en croix comme s’il priait, était couché sur le dos le Canonge, la figure toute maigre et le ventre en l’air, tout rond ! Je le vis en entrant, mon Canonge, raide-mort, monsieur, raide-mort ! son avarice l’avait tué, comme de juste — et comme je l’avais prévu. Je le tâtai, il était déjà froid.

« Alors, je courus vers Latrinque, jetant là ma pioche pour aller plus vite, perdant mon chapeau, et de bien loin, je lui criai :

« — Le Canonge est mort !

« — Le Canonge est mort ? »

« Il ne voulait pas se le croire. On ne croit pas tout de suite à des fortunes de cent mille francs.

« — Oui, le Canonge est mort ! »

« Alors, Latrinque, lui aussi, jeta sa pioche en l’air et il se mit à danser au soleil, comme un fou, au milieu des mottes dures. On eût dit qu’il foulait la vendange dans sa cuve, quoiqu’il dansât trop haut pour ça. Tout en un coup, il se mit à courir vers sa maison pour aller voir par lui-même si c’était bien vrai, mais une idée le prit en chemin ; il s’arrêta près de moi, me mit le poing sous la figure, et me dit :

« — Tu te fiches de moi, preutrêtre ?

« — Je te dis qu’il est mort, espèce d’âne !

« — Si tu me fais une farce, me dit Latrinque, nous réglerons la suite, — mais si tu as dit vérité, Magaud, — comme c’est toi qui m’as donné le conseil… et que l’héritage est beaucoup gros, — je te promets… vingt francs ! tu entends bien ? je te donnerai vingt francs, pas un liard de moins ; et ça, je te le jure sur la tête de mes enfants et de ma pauvre mère qui est morte… »

« Magaud poussa un grand soupir. Sans doute, il exha-