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MAURIN DES MAURES

— Si c’est ça, l’ordre public, dit Maurin, alors vive la sociale !

Parlo-Soulet, congestionné et devenu prolixe, haranguait la foule menaçante :

— Il est joli, votre saint Martin qui fait grelotter les pauvres ! Si ça a du bon sens ! Le vrai saint Martin les en empêchait !

— Allons, circulez ! dit le garde.

— Je marche quand je veux, et quand je veux je m’arrête, comme le cheval de Secourgeon, dit Maurin.

Le garde, qui ne connaissait pas « ce courgeon » se crut insulté. Il porta la main sur Maurin. Mal lui en prit. Il reçut de Pastouré une bourrade qui l’envoya rouler, les quatre fers en l’air, entre les jambes des porteurs du saint ; l’un d’eux s’écroula. La statue de bois tomba de son haut contre terre, endommagée gravement, et le manteau se sépara en deux morceaux à peu près égaux, résultat que depuis tant d’années faisait attendre vainement le glaive de saint Martin.

Le désordre, dans la rue, devant l’église, était à son comble. On piaillait, on hurlait. Des hommes se chamaillaient ; des femmes se trouvaient mal et poussaient des cris suraigus. Les enfants pleuraient en s’accrochant à la jupe des mères protectrices. Le curé levait les bras au ciel. Le garde champêtre essayait de se remettre sur ses jambes en se frottant les côtes ; et, pendant ce temps, Maurin, suivi de Pastouré, gagnait les bois, non sans avoir dit au pauvre grelotteux qui, pour n’avoir pas assez vivement grelotté, était cause de tout ce bruit :

— Tiens, prends ces deux bécasses ; on les paie trois francs dix sous. Prends mes bécasses et fais-t’en faire la