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MAURIN DES MAURES

die de la misère et de la charité, qui ne faisait grand honneur ni à la charité ni à la misère.

Or, il se trouva, cette année-là, que le vêtement chargé de jouer le rôle du manteau légendaire était un pantalon.

Pauvre culotte de toile bleue, humble culotte à quarante sous ! Rien de piteux comme les deux jambes de cette culotte neuve et raide et d’un azur violent, au bout du bras de ce prêtre au dos chargé d’une étole d’apparat où resplendissait, en épais relief, un soleil d’or au-dessus d’une colombe elle-même rayonnante.

— Un sabre ! un sabre ! cria un plaisant. Coupez en deux le pantalon ! Donnez-lui-en rien que la moitié !

Le pauvre, pour mieux motiver le cadeau qu’on allait lui faire, n’avait pas eu à mettre sa moins bonne culotte, vu qu’il n’en possédait qu’une : celle qu’il portait, culotte d’arlequin à pièces multicolores.

— Oh ! les sacrés animaux ! s’exclama Pastouré.

La foule murmura :

— Qui est celui-là qui parle ?

Une voix cria :

— C’est celui qui a tiré hier sur le bon Dieu !

Le pauvre ne grelottait pas.

— Grelotte ! dit, selon l’usage, le curé.

— Grelotte ! répétait en riant la foule, qui oubliait Pastouré pour persécuter le pauvre.

Le pauvre, effaré, honteux de son rôle, gêné par tout ce vacarme fait autour de sa triste misère, disait à voix basse au curé :

— Eh ! je n’ai pas froid ! Donnez ou ne donnez pas, mais faites vite, pour l’amour du bon Dieu !

— Grelotte ! criait la foule.