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MAURIN DES MAURES

très honnêtes femmes qui attendaient sa réponse — et, leur mise le trompant sur la qualité des deux dames :

— Je ne reçois pas de cocottes !

La gaieté qui accueillit ces paroles ne fit que l’agacer. On eut beau se répandre en explications : il n’en voulut pas démordre :

— Quand on est pimparées comme ça, il ne faut pas s’étonner d’être prises pour des cocottes.

Tel est l’homme ; tel est le pays.

Jouve aimait Maurin et Pastouré ; il les défendit ; mais ce fut en vain qu’il essaya de mettre les choses au point, — de ramener à son sens raisonnable l’action extraordinaire de Pastouré… Les dévots y voulurent voir un sacrilège médité. Les autres en rirent d’autant plus, et l’histoire, volant de bouche en bouche, mit une rumeur dans tout le village sur le passage des deux chasseurs, quand ils quittèrent l’auberge pour assister à la procession de saint Martin.

— Sant Martin ! Sant Martin arribo !

(Saint Martin arrive !)

Il arrivait en effet. C’était, sur son haut piédestal, un saint Martin de bois, équestre, et porté au moyen de deux grosses perches horizontales, sur les épaules de quatre hommes.

Vêtu en chevalier romain, le grand saint Martin s’apprêtait à couper en deux, de son geste immobile, avec son large glaive, son ample manteau bleu ; et un pauvre grelotteux, entre les jambes de son cheval, levait les mains vers la loque bienfaisante. Le manteau d’un bleu cru avait des franges d’or.

Et la foule suivait, jeunes garçons, vieillards, vieilles