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MAURIN DES MAURES

Aussitôt, la porte lourde, en se fermant sous la poussée de Maurin, fit résonner dans toute la vaste auberge comme un écho de montagne.

— Excusez, mademoiselle ! fit Maurin. Pour vous servir on aurait fermé plus tôt.

Le galant Maurin n’avait pas seulement la réputation d’être le premier chasseur et piégeur du pays, — comme aussi le plus franc galegeaïré (ou moqueur et conteur d’histoires joyeuses), — mais encore il passait pour le plus beau coureur de filles dont on eût jamais entendu parler. « Agradavo », il plaisait. Telle est la brève explication que donnaient de ses innombrables triomphes amoureux les gens du peuple à qui on parlait de Maurin ; et sa double renommée débordait sur les départements voisins.

En le voyant si courtois pour la fille du garde, un des deux gendarmes s’agita sur sa chaise. Ce gendarme, jeune, bien fait, était fort soigné de sa personne ; joli, la figure ronde, les traits réguliers, la peau tendue, bien lisse, la moustache d’un noir excessif. Rasé de frais, il avait les joues et le menton bleus comme le ciel. On eût dit une poupée en porcelaine, toute neuve. Un détail de cette physionomie était caractéristique, et semblait plaisant sous un chapeau de gendarme : ses deux pommettes se surélevaient, très roses, comme deux gonflements, deux demi-sphères, deux enflures de santé, signes évidents d’une conscience tranquille et d’une indolence à toute épreuve.

Cela rassurait et donnait envie de rire. Ce beau gendarme, gentil comme un ténor, était amoureux de la « Corsoise » ; il s’était fait agréer, mais par le père seulement, en qualité de fiancé. Persuadé qu’il plairait