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MAURIN DES MAURES

— Cœur qui soupire, n’a pas ce qu’il désire ! s’exclama Tonia, et comme on approchait de la maison rassurante, elle se mit à rire de tout son cœur, à rire comme une folle, audacieusement.

Elle riait tant et si fort que sa poitrine tendue battait la générale, sous le fichu à carreaux rouges.

Maurin la regarda de travers :

— Tu te moques de moi ! qu’est-ce qui te fait rire ?

— C’est la chanson de la galline, dit-elle effrontément.

— Ah ! petite masque ! dit Maurin. Je te rattraperai.

— C’est pour plaisanter ce que j’en dis, fit Tonia redevenant sérieuse. C’est pour te taquiner un peu, car je sais que tu es un roi de l’amour. Mais, moi, Maurin, je suis une fille sage et je te sais gré de ne pas m’avoir embrassée seulement. Dans mon pays corse, vois-tu, si l’on se connaît en vendetta c’est parce qu’on se connaît dans la chose contraire qui est, je crois, la reconnaissance… Et je n’oublierai jamais ta conduite d’aujourd’hui.

Maurin regarda Tonia de ce regard qui faisait tomber les femmes comme les mouches.

— Oui, reprit-elle… c’est vrai que tu me plaisais beaucoup, mais aujourd’hui je sais ce que tu vaux et, pour te servir, je saurai le dire quand il faudra.

Il la regarda encore, jusqu’au fond des yeux.

Elle reprit en baissant la tête :

— C’est vrai que si je n’avais pas été fiancée à un gendarme, j’aurais aimé volontiers un bandit comme toi !

Elle songeait à ces bandits corses, comme elle en avait eus dans sa famille, qui se réfugient et se défen-