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MAURIN DES MAURES

— Gardez-vous-en ! cria la Corsoise ; ils sont deux ! et pendant que vous en suivrez un, l’autre n’aurait qu’à venir par ici… je serais fraîche ! pauvre moi !

— Alors, dit Maurin, viens avec moi. Je les rattrape… et à nous deux nous les muselons (il tutoyait vite toutes les filles) et je les offrirai à ton gendarme, veux-tu ? Ce serait un cadeau bienvenu pour lui, — que peut-être on lui donnerait le galon !

— Laissons ces diables dans les bois… Il faut que j’aille faire au plus vite le déjeuner de mon père, dit Tonia. Venez à ma maison, monsieur Maurin, et je vous ferai goûter d’une eau-de-vie ancienne dont vous me direz des nouvelles.

Maurin hésitait. Il regrettait la chasse aux bandits.

— Ça serait pourtant fameux, dit-il, de mettre au carnier, ce matin, un si gros gibier !

— Il n’est pas de celui qui s’envole, dit Tonia. Ces gueux se retrouveront… Ne me laissez pas seule.

Maurin avait double regret… Si Tonia l’avait suivi dans les bois… assez loin de la route… qui sait ?… il y a des tapis de bruyère au fond des vallées…

Il se mit à rire, montrant ses belles dents blanches :

— Tonia ! dit-il, c’est dommage… si tu avais consenti à suivre avec moi dans la montagne les deux vilains renards qui t’ont fait si peur, je les aurais peut être laissés pour une autre fois, mais je ne peux m’empêcher de penser que peut-être j’aurais plumé et mangé la poulette ! … car tu sais la chanson, n’est-ce pas ? Moun bon moussu, quand on la ten, foou pluma la gallina

Tonia devint rouge comme une crête de coq.

— Vous êtes un homme honnête, Maurin, et je me suis de moi-même confiée à vous. Mon fiancé, vous le