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MAURIN DES MAURES

— Connais-tu ceci ? fit brusquement Célestin Grondard en lui montrant le bouton de cuivre luisant au soleil du matin.

— Je n’y vois pas de si loin ! répliqua Maurin.

Célestin approcha.

— Je n’y vois pas de trop près !

Grondard s’arrêta et lui tendant le bouton :

— Regarde !

— Ça, dit alors Maurin tranquillement, pressentant un piège et pensant le déjouer par la plus grande franchise, ça, c’est un bouton d’une veste que j’ai. Le marquis de Brégançon, à Cogolin, m’avait donné une de ses vestes, toute neuve, trop étroite pour lui ; une jolie veste de velours, avec de beaux boutons de chasse qui étaient à la mode du temps des rois. C’est dommage que j’aie usé la veste ! Mais les boutons je les ai toujours gardés ; il m’en manque un seul… ça doit être celui-là ; où l’as-tu trouvé ?

— Près de l’endroit même où mon père a été tué, fit Célestin, à l’endroit où, je pense, tu étais à l’espère comme un bandit que tu es, pour tirer sur un homme comme sur un sanglier.

Il regardait Maurin fixement avec ses vilains yeux d’une blancheur sanguinolente. Maurin ne sourcilla pas.

— Ah ! dit-il, c’est à ça que tu en viens ? et voilà la mauvaise mouche qui te pique, méchant mascaré ! (noirci).

Il se mit à rire.

— Nos Maures, reprit-il paisiblement, ont quinze ou vingt lieues de large. C’est amusant pour moi de retrouver un bouton de veste sur un si grand territoire… car je ferai la preuve que ce bouton est mien