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MAURIN DES MAURES

ailes… comme un chameau ! Bon ! le voilà maintenant planté sur ses jambes comme s’il était en ciment romain ! regardez-moi ce pilier ! il ressemble à l’aqueduc des Fréjussiens ! Va donc, maintenant ! remue-toi un peu, bougre d’âne de cheval ! enfant de vache ! carogne ! oh ! voleur ! je te ferai comprendre à la fin, vaï, comme tu dois faire ! enfant de carogne ! oh ! fils de fille ! la jument qui t’a fait était une rosse ! mais ton père avait, je pense, de l’amadou sous la queue, pour que tu coures ainsi ! Allons bon, le voilà qui s’arrête ! Croyez-vous qu’il bougera maintenant ? Quelle vie, sainte Mère ! Oh ! madone des anges, regardez-moi cette bourrique, pour l’amour de saint Joseph, coquin de brigand de sort ! le voilà plus solide que la tour ou le fort de Brégançon. Oh ! oh ! j’ai mouillé de sueur toute une chemise ! Il faudra la tordre comme si nous étions, ma chemise et moi, tombés ensemble à la mer. Et voilà qu’il repart ! Il me fait suer, le bougre, à force de courir ! et il me fera prendre une « pérémonie », le fainéant, à force de m’arrêter suant pour attendre qu’il reparte encore !… Alors, tu lis le journal ? bourrique ! hue donc… capôto d’estiou ! (c’est-à-dire : manteau ou pardessus d’été !)

Ainsi s’exprimait Secourgeon, d’où il appert qu’un pardessus d’été, en pays provençal, est le vêtement ridicule par excellence.

Sur cette injure géniale et qu’il venait d’imaginer sans effort, Secourgeon s’arrêta décidément, pour crier au chasseur qu’il venait d’apercevoir :

— Tu es toi, Maurin ? Tu as choisi un métier meilleur que le mien !… Elle m’en donne du mal, cette terre, tantôt trop molle, tantôt trop dure !… Ah ! si je pouvais