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MAURIN DES MAURES

aviez eu l’imprudence de tirer su le premié quan il s’est posé la première fois, les òtres ne seraient pas venus. Quand le second s’est posé, la même chose ! À présein, qu’ils sont tropp, vous n’en amirez deuss, — troiss, si c’est possible — à la file, comme si votre coup de fusil il était une brochette… C’est un coup difficile, pourquoi il sòte à tout momein d’une branche à l’òtre, mais tout de même vous en amirez deux ou trois à la file, quan ils se passent l’un devant de l’òtre, et vous tirez… Boum !…

Sa voix changea, redevint plus naturelle, comme celle d’un homme qui, après les belles exaltations du rêve, retombe à la réalité :

— Des fois vous n’en pourrié ramasser trois, des fois deusse, des fois pouïn. Alors vous rentrez chez vous ; pourquoi à cette chasse, vous ne tirez jamé qu’un seul coup de fusill.

Puis, franchement railleur, il conclut, l’œil sur M. Labarterie :

— C’est très amusant, qué ?

Il est impossible de rendre le haut comique de cette scène dite et mimée par Maurin, railleur de lui-même. Tout le génie de la Provence éclatait dans toute sa physionomie ; et tant étaient rapides les idées simultanées et diverses qui brillaient dans ses yeux, que les spectateurs ne pouvaient s’en rendre compte assez vivement. Et c’est de leur embarras que jouissait maintenant le galégeaïré.

— Tel que vous me voyez, monsieur Labarterille, acheva Maurin, je fais si bien le merle, moi, qu’un jour — pendant que je chilais, caché dans la broussaille, — un renard m’a sauté sur ma tête, tout en coup, pourquoi