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MAURIN DES MAURES

ravin, que pour crier une seconde fois, à tue-tête, un : A la barro ! retentissant.

On déjeuna dans le bois. Chaque chasseur avait apporté son « vivre » ; mais le préfet avait, de son côté, fait mettre dans les voitures d’excellents pâtés et conserves. Les cinquante chasseurs, paysans, sénateurs, généraux, mangeaient ensemble, naturellement groupés selon les sympathies ou les amitiés. On versa à flots le champagne : il y en eut trois fois pour chacun ! Et les toasts furent nombreux. Au dessert on conta quelques histoires de chasse et Maurin se montra si réjouissant que M. le préfet résolut de l’inviter à dîner le soir même. Après le déjeuner, une deuxième battue eut lieu qui ne donna aucun résultat.

Les deux sangliers revinrent en calèche avec le général et le préfet. Tonia et son père s’en retournèrent à pied, avec le gros des chasseurs. Elle aussi, l’ardente fille, était une bête blessée. Chaque fois qu’elle regardait Maurin, elle se sentait, là, au creux de la poitrine, une oppression brûlante, comme une pesée chaude… Et elle revoyait, dans sa tête, un grand ciel où fuyaient des ramiers sauvages… Puis un bruit se fait devant elle, dans la bruyère qui s’écarte… et le visage qui se pressait contre sa joue, l’abandonne… C’était si bon d’être embrassée ainsi !… Pourquoi, pourquoi est-il parti si vite, ce moment si délicieux ? Est-ce qu’il ne reviendra plus jamais ? Oui, c’était bon, au sommet de la montagne, dans l’odeur des thyms et des lavandes, au soleil levant, dans la fraîcheur matinale, devant tout le ciel et toute la mer, d’attendre elle ne savait quoi de très désiré… sans même songer qu’elle était fiancée depuis la veille !