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MAURIN DES MAURES

— Ne bouge pas. Ils vont venir ils sont là… ne parle pas, surtout !

Et ce bras, le bras de Maurin, la prenait, la pliait un peu en arrière. Et elle obéissait à tout, à l’ordre antérieur qu’il lui avait donné, d’attendre, de se taire, de ne pas bouger, comme à celui, le même, qu’il lui donnait à présent.

Il ne fallait pas faire manquer toute la chasse, n’est-ce pas ? Et elle laissait la bouche du chasseur s’appuyer sur ses lèvres à peine détournées, et sa tête étant renversée sur la poitrine de l’homme, ses regards se perdaient dans le grand ciel tout bleu, et il lui semblait qu’elle ne l’avait jamais regardé encore, jamais vu, non, jamais. Et c’était vrai que jamais elle ne l’avait regardé ainsi, avec les mêmes yeux, voilés d’un grand trouble.

Une étrange douceur était en elle. Tous deux palpitaient avec les bruyères du bois ; ils frémissaient avec les braïsses rosées et violettes ; leur esprit était partout autour d’eux, parce qu’ils étaient attentifs en même temps à ce qu’ils ressentaient et à ce qui pouvait venir, et aux cris des rabatteurs. Elle perdait un peu la tête, Tonia… Un vol de ramiers traversa le bleu du ciel où s’en allait son regard, et il lui sembla, comme dans les rêves, qu’elle s’envolait avec ces oiseaux lointains… Où allaient-ils, si vite ? Cela donnait le vertige, de les voir si haut. Elle ne savait plus où elle était.

Tout à coup la broussaille mouvante craqua à grand bruit, comme si elle prenait feu partout à la fois ! Tonia se sentit repoussée, remise toute droite par le bras qui la tenait. Le visage qui s’était pressé contre le sien s’éloigna… Elle vit, devant elle, les bruyères s’agiter… C’était