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MAURIN DES MAURES

une vingtaine de pas) contre la boule adversaire qu’il s’agit d’écarter du but. Les chapeaux hauts de forme doivent être posés en arrière, sur la nuque, ou très en avant sur le front des joueurs. Il s’agit pour chacun d’eux de lancer sa boule sans perdre son chapeau. C’est la règle de ce jeu très spécial.

« Vous voyez d’ici combien ces coiffures instables deviennent ridicules quand les mouvements des joueurs les déplacent ou les font rouler à terre !

« Et quels lazzis ! quels pétillements de moqueries entrecroisées !… Parfois le joueur désespéré, d’un mouvement instinctif, lâche sa boule pour retenir son solennel couvre-chef… c’est sublime. Et de ces chapeaux hauts de forme on en voit, là, de tous les âges. Toutes les modes sont représentées, larges bords, bords étroits ; les uns sont de simples cylindres, les autres sont coniques ; certains ont de longs poils et sont étrangement évasés… ils ont été empruntés à l’armoire d’un arrière-grand-père… Et de rire. Je vous assure que le spectacle est réjouissant.

« Du reste, le haut de forme, depuis son apparition, a toujours excité la verve railleuse du populaire de chez nous ; il a tout de suite choqué le bon sens national.

« Je me rappelle avoir assisté au mystère de la Nativité qu’on représentait encore il y a un quart de siècle dans nos théâtres populaires de marionnettes.

« Il y avait toujours parmi les personnages de la crèche un vieil aveugle qui se faisait conduire à l’étable de Bethléem, dans l’espoir d’y recouvrer la vue ; son fils, un bambin de douze ans, lui servait de guide ; et pour faire honneur à l’enfant Jésus, le gamin se coiffait du kalitre. Le vieil aveugle et son guide arrivaient ensem-