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MAURIN DES MAURES

« — Oh ! répondit Toine en se remettant à bêcher ses oignons avec mollesse, je l’apporterai demain, — si je ne l’oublie pas !!!!! car c’est vrai que cette branche maudite abîme tout le cuir du collier !!!!!!! et puis… ça donne au cheval une bien mauvaise habitude !!!!!!!!! »

« Mon ami, qui est du pays et qui a chez lui ce fermier, très brave homme, depuis trente ans, alla vers le cerisier, et prenant la branche à deux mains, il la rompit sans faire aucune réflexion.

« Et ce fut sans rien dire que nous nous en allâmes

— C’est absurde, dit le préfet.

— Mais si pittoresque ! dit M. Cabissol.

— Pittoresque, soit ! dit le préfet, et c’est par amour du pittoresque que ce dompteur de foules, dont vous me contiez l’histoire l’autre jour, se coiffait d’un chapeau haut de forme ?

— Par amour de la parade, mon cher préfet. En d’autres occasions, ce sera par amour du comique. En voulez-vous la preuve ? Certaines sociétés de boulomanes ont imaginé de se coiffer du haut de forme pour jouer leur jeu favori. Ce faisant, ils se donnent la comédie à eux-mêmes, et, du même coup, tournant avec raison en ridicule la coiffure bourgeoise qu’un usage égalitaire leur impose aux grands jours du mariage, ils se vengent gaîment d’avoir eu à la subir ; ils arrivent donc sur leur terrain de jeu, le kalitre en tête.

« Vous n’ignorez pas que, chez nous, les boules sont un jeu national. Les joueurs se divisent en deux catégories : les pointeurs, qui doivent placer leur boule le plus près du but, dit cochonnet ; et les tireurs (nos boules sont ferrées et lourdes) qui doivent lancer directement leur boule, parfois à de longues distances (soit