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MAURIN DES MAURES


CHAPITRE XI


Un sauvage entrevoit que la science n’est pas la justice, mais qu’un grain de justice peut germer dans le fumier des civilisations.


En causant avec M. Cigalous qui fumait sa pipe, Maurin, qui tenait son petit par la main, s’avançait sur la place, — et M. Rinal, du haut de son mur, près de son bananier, regardait venir ce groupe un peu bizarre.

Maurin, les pieds dans ses souliers de toile à semelles de corde, les mollets enveloppés de toiles serrées par des ficelles terreuses, qui transformaient ses pantalons en véritables braies antiques, le corps pris dans une vareuse lâche, de grosse toile également, le chapeau de feutre très mou, bizarrement déformé, un couteau de marin à la ceinture, dans une gaine de cuir, paraissait être un personnage d’une autre époque. Son fils, pour la circonstance vêtu de ses plus beaux habits, portait au contraire un complet en « jersey » bleu qui le rendait semblable à une gravure de mode des grands magasins de Paris. Et à côté d’eux le maire, qui avait l’air d’un Hollandais à cause de sa pipe et du sourire de ses pommettes un peu rosées, le maire regardait les fleurs, les terrasses publiques, les embellissements que lui doit sa ville, et il y avait sur toute sa physionomie une indéfinissable expression de plaisir.

— Eh bien, monsieur Rinal, dit-il, levant les yeux