Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
MAURIN DES MAURES

Quel dommage que vous soyez un mécréant ! Pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu ? »

— J’y crois, j’y crois, monsieur ; Dieu, c’est la bonté humaine.

« Ce Dieu-là a sur d’autres l’avantage d’être révélé, tangible, visible, certain. Mieux vaut un bon mécréant qu’un croyant mauvais. »

Le curé allait volontiers chez le mécréant : « — Que n’ai-je, disait-il, beaucoup de païens comme celui-là ! Le bon Jésus n’osera jamais le damner ! »

Les gens de Bormes aimaient leur hôte, qui rendait au pays des services effectifs, remplaçant quelquefois, sur sa demande, le médecin malade ou absent, et surtout se faisant le professeur gratuit, non seulement de quelques enfants mais de plus d’un adulte.

Du haut de son mur en surplomb sur la place publique, tandis qu’il regardait les enfants jouer aux boules le dimanche, il lui était arrivé de dire tout à coup à l’un des petits joueurs :

— Comment t’appelles-tu, toi ?

— Un tel.

— Que fait ton père ?

— Jardinier.

— Il fait des primeurs ?

— Oui.

— Des roses, des œillets, des fleurs qu’il envoie à Paris ?

— Oui, monsieur Rinal.

— Tu lui succéderas ?

— Oui, monsieur Rinal.

— Tu sais l’anglais ?

— Non, monsieur Rinal.