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MAURIN DES MAURES

nettoyeuse. Espérons dans la mort. Prions-la. C’est l’épuratrice ! » Quand il avait fait l’apologie de Marat, ingénument, avec une conviction douce et forte de brave homme, — que de fois, si l’on était à table, à déjeuner ou dîner, on avait pu l’entendre crier, furieux : « Catherine ! Catherine ! »

Catherine arrivait, très grosse, essoufflée…

— Monsieur ?

— Vous savez bien que je ne peux pas supporter la vue d’une tête de poulet ! Qu’est-ce que c’est que ça ?

— C’est la tête, monsieur.

— Comment avez-vous pu oublier de la faire disparaître ?

— Je me suis fait aider ce matin par la voisine. C’est elle qui a fait fricasser le poulet… je n’ai pas pensé à lui dire…

— C’est abominable !… Ça vous arrivera encore, je le sais bien ! En attendant je ne pourrai plus déjeuner, moi, ça m’a coupé l’appétit ! Donnez-moi des figues sèches… C’est dommage. Il avait l’air appétissant, ce poulet.

Tel était dans la vie ce farouche révolutionnaire, ce chirurgien qui avait coupé des jambes et des bras sous le feu de l’ennemi, et qui souffrait, par les temps humides, de plusieurs vieilles blessures.

Pendant la campagne du Mexique, à Puebla, il avait dû passer dans un canot, en service, sous le feu de l’ennemi… « C’est mon plus pénible souvenir, disait-il, vous allez voir pourquoi ! » Et voici ce qu’il racontait :

— J’avais pour aide un petit mousse, un enfant, quatorze ans. Je ne pouvais pas le regarder sans penser à sa mère, dont il me parlait souvent.