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Avez-vous traversé jamais de vieilles rues ?
Les femmes, en haillons, sur vos pas accourues,
Deux enfants sur les bras, vous ont-elles montré
Leur misère vivante, et là, le cœur navré,
Insulté des petits, heurté de quelque homme ivre,
Effrayé de la mort, pris du dégoût de vivre,
N’avez-vous pas songé : « D’où vient que le ciel bleu
Brille sans s’émouvoir et sans trahir un Dieu ? »
Pour moi j’ai contemplé ces choses. Par la ville
J’erre souvent. Je plains notre humanité vile,
Et je répète en moi que si l’homme ici-bas
N’est pas heureux, c’est que son prochain ne veut pas.
Le riche est lâche. Il faut qu’on jeûne quand il mange !
Et je contemple alors le ciel,… et c’est étrange !

Or, hier, j’ai voulu fuir l’homme et marcher vers Dieu ;
J’ai pris la mer. Le vent chantait sous l’azur bleu,
Et je songeais qu’il faut que tout esprit travaille
À livrer au malheur la dernière bataille ;
Et je fuyais toujours loin de terre, croyant