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INSTRODUCTION

J’ai voulu citer toute cette page parce qu’à l’encontre des théoriciens de la fatalité de la passion, elle affirme en termes explicites et avisés la liberté morale.

Ailleurs, dans Roi de Camargue, la lutte entre le vice et la vertu est « dramatisée » en quelque sorte : Livette et la bohémienne représentent les deux amours qui se disputent le cœur de Renaud ; Livette est aidée par les Saintes-Maries et par toutes les générosités du cœur de Renaud ; la bohémienne prend à son service toutes les forces du mal, la perfidie de la femme, les mauvais conseils que donne le climat de Camargue et les bas instincts du jeune guardian ; c’est l’amour pur et noble qui triomphe, mais il ne triomphe que dans la mort.

Ceux qui n’osent pas reprocher à Jean Aicard d’écrire des romans moraux lui ont fait quelquefois un grief d’interrompre son récit pour prêcher la morale. De fait la narration est coupée par des réflexions dans le genre de celle-ci : « Tout exemple de dévouement est fécond à l’infini. Si toutes les moissons venaient à périr, moins un seul grain de blé, ce grain de blé, tout seul, suffirait bientôt à nourrir les mondes. » Et on aime à cueillir en passant cette bonne parole.

Parfois la réflexion morale se développe en dissertation et en discussion. Mais, ces discussions sont en général placées au début du roman, quand le drame n’est pas encore engagé qu’on a encore la patience de lire des sermons. D’ailleurs le lecteur moderne, qui cherche des idées dans les livres, a été habitué par Paul Bourget à la discussion des problèmes moraux et il préfère l’intrigue qui va lentement et donne le temps de penser, à l’intrigue rapide qui est vide.

Costa de Beauregard après avoir lu Maurin des Maures et l’Ibis Bleu appelait Jean Aicard : « ce philosophe chrétien. »