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L’ILLUSTRE MAURIN

— Pastouré a parlé, remarqua Novarre, miracle !

— Allons, Marlusse, implora Benoni Soufflarès, dis-la sans te faire prier, que d’ordinaire tu nous romps la tête avec cette même histoire ! et qu’aujourd’hui, devant tout ce monde qui te la demande, tu ne la dirais pas ? Voyons, cause, bestiasse !

— Tu nous la diras, cette histoire ? la diras, aquell’histoiro ? insista Mascurel.

— Il la dira, l’histoire ; l’histoire, il la dira ! compléta Lacroustade.

Marlusse avait une cinquantaine d’années. On lui voyait aux deux tempes, une patte d’oie pleine de gaieté et de gaillardise. Il était coiffé d’un immense faux manille l’été, l’hiver d’un feutre de mêmes dimensions, dont il abaissait le bord-avant sur son nez en visière de casquette et dont il relevait le bord-arrière au-dessus de sa nuque ; conspirateur par devant, mousquetaire par derrière, moqueur tant derrière que devant, si moqueur que sa pipe au tuyau de roseau avait l’air de prolonger dans l’espace son ironie devenue fumée !

Marlusse, patron bouchonnier, avait un air cossu et heureux de vivre.

— Allons, dit-il, ze la conterai, puisqu’il la faut conter, mais ce n’est pas un conte comme le scaphandrier, vu que c’est bien arrivé. C’est le souvenir de notre voyage à Paris, où nous allâmes voir l’Essposition Universel… Il faut vous dire que, depuis quelque temps, nous mettions d’arzent de côté en jouant à la quadrette, M. le maire, Novarre, Soufflarès et moi, dans l’idée d’aller à l’Essposition, pour l’anniversaire de Quatre-vingt-neuf, en l’honneur des principes, comme de zuste !

Ici Marlusse s’interrompit. — Novarre, Soufflarès et