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L’ILLUSTRE MAURIN

du commandant, nous les avions amarrées bien droites tout autour de notre bateau.

« Ça faisait de notre bateau une petite île fleurie, et nous allions à Saint-Tropez.

« C’était vers la fin juin, à la veille des grandes fêtes et des bravades de la ville. Nous étions au milieu du golfe, allant, venant, virant, jouant sur l’eau comme des marsouins, faisant les beaux, avant de rallier le port, lorsque tout près de nous s’avance, dans sa petite barque, un pêcheur de Saint-Tropez qui rentrait doucement à la voile et que je connaissais.

« — Bonjour, Maurin ! qu’il me fait, vous êtes bien fleuris ? »

« Par badinage et sans réflexion je réponds :

« — C’est que nous amenons l’évêque ! »

« Justement Saint-Tropez attendait d’un jour à l’autre l’évêque de Fréjus et, voyant marcher sur l’eau nos branches en fleurs, les promeneurs du quai déjà se disaient entre eux : « Peut-être il est à bord, l’évêque ! » Mais j’ignorais cela.

« Une heure après, en approchant de Saint-Tropez, nous apercevons sur le quai, devant la statue du bailli de Suffren, tout un monde qui nous fait des signes, les hommes avec les chapeaux, les filles avec les ombrelles et les mouchoirs ; et c’était des cris ! et des vivats ! et des fanfares qui jouent ! Le curé et toutes ses congrégations, en grande tenue, sortaient de l’église avec les bannières. Et notre commandant disait : « Voilà des gens bien polis ! » La ville avait mis drapeaux et tapis aux fenêtres. Les femmes s’étaient pimparées. Les petits enfants dansaient. Le maire avait son écharpe. On accosta bord à quai. Le commandant descendit à terre :