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L’ILLUSTRE MAURIN

ger à lui-même. Et il s’étonnait de voir agir un étranger à sa place sans éprouver ce que cet autre éprouvait. Maintenant, il était hors de sa propre vie passée. Et, à travers cette songerie bizarre, il continuait à entendre tout ce qui se disait autour de lui…

— Il faut, songeait-il, que Pastouré aille le plus tôt possible dire à M. Rinal de ne pas se déranger pour me venir voir… je meurs…

— Père Trestournel, déclarait Mignotin, je pense à sortir d’ici. Soldat je veux être.

— Approche, mon fils, c’est un beau métier que de défendre notre terre, la terre du blé et des troupeaux. Écoute : il y a une France au ciel comme il y en a une sur la terre. De mes reïres-grands (ancêtres) je tiens le grimoire. Approche.

Mignotin, un peu tremblant, s’avança. Les autres le virent se profiler debout en ombre toute noire sur le ciel de la nuit claire. Le vieux alla au petit. Les autres les voyaient très bien tous les deux.

— Une France dans le ciel ? ricana Pognon à voix basse.

— Si vous riez du grimoire, je me tairai. Ma fin approche ; il faut que je dise non pas tous les secrets, mais les choses qu’ils me commandent de dire. Petit ! petit ! tu veux être soldat ?… Eh bien, voici les paroles Et pour les signes, je les ferai sur ton épaule, et sur ton cœur je les ferai. Et la Vierge de France te protégera… Elle s’appelle Jeannette ; elle est dans la France du ciel. Et il marmonna :

France est le paradis du monde…
Va combattre, je te seconde ;