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L’ILLUSTRE MAURIN

— Si tu sais guérir, pourquoi ne guéris-tu pas ta misère ? demanda Pognon…

— Et la nôtre ? insista Galette.

— Je ne suis pas dans la misère, puisque je vis, dit le vieux, et que je vois les étoiles, qui sont le trésor de tous… Il faut croire pour être guéri, ajouta-t-il doucement. J’ai vu des hommes sans jambes qui montaient jusqu’au sommet de la montagne et qui arrivaient près de l’étoile ; et j’ai vu des hommes qui avaient des jambes et qui restaient dans le vallon noir. Je sais les secrets. Laragne, un jour, marchera droit peut-être. S’il est tortu, est-ce sa faute ? Pourtant, on fait son sort. De ceux qui vous en jettent, des sorts, il y en a ; mais le sort jeté ne prend que contre ceux qui sont faits pour le sort. Le blé ne vient pas partout. — Dans la même terre un grain lève et l’autre périt. Il y a des secrets, il y a des secrets ; et j’en sais pour les soldats, j’en sais contre les chiens fous, j’en sais contre le tonnerre, j’en sais pour sauver les âmes après la mort. — Mais je n’en sais pas pour ceux qui se désirent à eux-mêmes leur enfer… Je n’en ai pas su pour sauver mon propre fils de sa malice.

On entendit, dans l’ombre, sangloter le vieux. Tous furent émus.

— Ne pleurez pas, Père, dirent ensemble Galette et Pognon.

Et Galette, devenu charitable, ajouta :

— Vous faites de la peine à maître Maurin.

— Ne pensez plus à votre malheur. Père ! dit Maurin, qui, fiévreux, se reprit à rêver toutes les choses qu’il avait faites. Il repassait toutes les circonstances de sa vie, mais il s’y voyait comme s’il eût été étran-