Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/528

Cette page a été validée par deux contributeurs.
510
L’ILLUSTRE MAURIN

La croix de sainte Marguerite,
Je l’ai sur ma poitrine écrite…

Le vieux zézayait, car il parlait français pour être entendu des deux évadés qui ne comprenaient pas le provençal. Il prononçait « z’ai fai un bouqué de trois fleurs, et les trois vierzes sont mes sœurs », mais ses défauts de prononciation ne frappaient même plus ni Pognon ni Galette, les deux Parisiens. Ils écoutaient un rêve :

— Encore ! dit Laragne sur un ton de prière.

— Encore ! dit Mignotin.

— Je sais des secrets qui sont dans des paroles qu’on chante, reprit lentement le vieillard… Et ta blessure, Maurin, si tu veux, avec des signes, je te la guérirai. Tu m’as refusé une fois à ton arrivée : cela m’a fait peine. Veux-tu, à présent, quoiqu’il soit un peu tard peut-être ?

— Pourquoi pas ? dit Maurin pour complaire au vieux berger.

— Tourne vers moi ton côté malade. Le mal, où est-il ?

— Là.

Le vieux, sur la blessure, avec son pouce, fit des signes cabalistiques qu’on ne distinguait pas, dans cette obscurité, et il psalmodiait :

Judas a perdu sa rougeur
Dans le jardin des Oliviers
Quand il trahit Notre-Seigneur…

— Ce ne sont pas les paroles seules qui guérissent, dit-il, il faut les signes, les signes ! trois ou sept, les signes et les chiffres !… Mais il est trop tard peut-être.