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L’ILLUSTRE MAURIN

 
Les deux pieds cloués,
Les deux bras tendus…
Celui qui dira,
Le soir, le matin
Ma douce prière.
Ne brûlera pas
Dans le feu d’enfer.

Pour Maurin, les paroles du vieux berçaient ses rêves de malade, qui étaient d’une tristesse douce, plus mortelle que la violence. Il était attentif aux folies du berger, comme un enfant à ces contes de fée auxquels il croit sans tout à fait y croire et qui songe : « Je voudrais bien que cela fût arrivé ! » Il s’intéressait aux souvenirs du pâtre, plus qu’à tous ceux de sa propre existence.

La vie déjà lui semblait lointaine, vue des profondeurs et de la hauteur de cette caverne habitée par tous ces êtres hors la loi. Il se sentait déjà détaché de tout ce qui passe. Les fils qui, pareils à des racines, naguère attachaient son intelligence à tant de choses, étaient comme coupés ; il le sentait, et de cela il n’était pas malheureux, au contraire. Mais il souffrait vivement quand sa mémoire lui représentait de nouveau, tout à coup, l’événement qui avait fait cette coupure entre lui et toute raison de vivre. — « Une chose si jeune, murmurait-il et si traître !… Ah ! pauvre France ! »

Le vieux berger interrompit le retour douloureux des souvenirs de Maurin en se mettant à chantonner des paroles vagues et consolantes comme la prière des mères au bord des berceaux :

J’ai fait un bouquet de trois fleurs
Et les trois vierges sont mes sœurs.