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L’ILLUSTRE MAURIN

— Parle encore, Père ; Trestournel, dis-moi tout ce que tu sais. Je ne souffle plus, de ce moment.

Tous reprirent leur place et Trestournel continua ainsi :

— Je sais tout, tout ! car j’ai lu dans le Grimoire ; j’y ai lu, dans les temps, avec mes premiers pères qui sont en moi comme dans le chêne est le gland du passé, et comme dans le gland sont les chênes de l’avenir. L’avenir c’est le passé.

Il se tut. Le ciel, la plaine, la mer resplendissaient, tranquilles.

La voix du vieux semblait venir d’un fond de mystère, en cette caverne haute, dans ce repaire qui dominait les habitations des hommes couchés là-bas, dans les villes, sous des toits paisibles… Les superstitions des siècles, réveillées au cœur de ces misérables, les étonnaient, leur commandaient l’attention… Ils eussent été insensibles à une voix de raison, à un conseil lucide, mais la parole de ce vieux qu’ils disaient imbécile les charmait, — comme un son modulé, qu’il ne peut pas produire lui-même, arrête un instant le lézard fasciné, ou charme, dans la cage du dompteur, le tigre et l’ours qui écoutent la baguette magique frapper un rythme sur les barreaux vibrants, — car la voix du vieux, maintenant récitait des paroles scandées et rimées :

 
L’ange Gabriel
Descendu du ciel
A dit à Marie :
« Mère dormez-vous ?
— Non, je ne dors pas :
Je pense à l’enfant
Qui est mort en croix,