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L’ILLUSTRE MAURIN

— Ça n’est rien, dit Maurin, je vais à mes affaires qui ne te regardent pas. Mais les tiennes me regardent. Tu lisais un livre… fais-le voir un peu.

Elle le lui tendit. Il déchiffra péniblement quelques lignes et le rejeta sur son lit.

— Voici, dit-il, pourquoi, te voyant, je t’ai fait appeler : tu es trop bien habillée, ma fille, pour notre fortune. Et puis, comment se fait-il que tu sois ici à la promenade, aujourd’hui ?… Ne me réponds pas… puisque tu vois bien que je le devine. Tu fais la dame, tu te promènes ! et le fils de Pastouré, ton mari, pendant ce temps-là, travaille dur ! Que signifie cela ? et trouves-tu que ce soit raisonnable, que c’est bien ? Vous avez une serviciale peut-être ? c’est un peu tôt, car tu n’as hérité de rien autre, que je sache, que de l’argent du frère de Pastouré. Es-tu une fille qu’on paie ou une épouse qui aide son homme à faire son métier ? Le livre que tu lis en te promenant sous ton ombrelle est un mauvais livre. Je n’en ai lu que trois lignes et pas n’aurais eu besoin d’en lire une seule, puisqu’il y a, dedans, des images où l’on voit des femmes qui montrent leurs jarretières à des hommes. Crois-tu vraiment que c’est pour que nos filles toutes jeunes lisent de ces saletés que nous avons bâti tant d’écoles ? car, nous les avons bâties, — nous autres, le peuple, — par le moyen de nos députés ! Nous avons voulu instruire les pauvres bougres — mais c’est pour que, étant instruits, les garçons sachent faire mieux chacun son métier et les filles — devenues femmes — aider mieux leurs hommes et leurs petits ; et non pas pour qu’elles se pavanent seules au soleil en lisant sous l’ombrelle des livres qui semblent faits pour des garces. Va poser ton para-