Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/499

Cette page a été validée par deux contributeurs.
481
L’ILLUSTRE MAURIN

Bormes, chez M. le maire, porter plainte contre Maurin !

— On vous a tendu un piège, mon pauvre Maurin, et vous y êtes tombé !

— Comme un darnagas, fit Maurin essayant de sourire. Merci, monsieur Rinal.

— Allons, allons, tout ira bien. Vous guérirez.

— Je n’en ai pas beaucoup envie maintenant, je ne suis utile à personne et j’ai reçu un mauvais coup… Oh ! je ne parle pas de celui qui est sorti du fusil… Je parle de l’autre. De ces deux femmes, c’est la plus petite qui m’a tuée… Ah ! la coquine !

M. Rinal lui prit la main et la serra :

— M. Cabissol ne croira pas ça, hein ?

— Aucun de ceux qui vous connaissent. Calmez-vous.

Le vieux médecin comprenait trop bien ce qui se passait dans l’âme, après tout naïve, du chasseur. Le rustre Maurin, malgré son ironie joyeuse, malgré sa galégeade mordante qui s’attaquait à toute chose, était, par nature, un de ces êtres de sympathie que soutiennent, à travers toutes les misères de la vie, un grand amour instinctif des hommes et une foi irrémédiable en la justice tardive, mais assurée dès ce monde. Du fond de son ignorance, Maurin, ce rêveur populaire ; Maurin, le païen mauresque, le Maure chrétien, avait toute sa vie cru au peuple, espéré dans le peuple, — et, pour tout dire, — dans l’humanité.

Humanité et peuple venaient, en Fanfarnette, de lui apparaître soudainement déchus, indignes d’eux-mêmes, prêts à toutes les trahisons, fût-ce pour un très petit profit.

Il avait partagé passionnément cette erreur des vrais