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L’ILLUSTRE MAURIN

qu’elle le trouverait tombé à terre, sanglant, mort, défiguré peut-être… Elle croyait le voir, là, à ses pieds, dans la broussaille et les pierres…

Enfin le sentiment simple et net de la situation lui revint. Elle avait essayé de tuer son amant parce qu’elle l’aimait. Mort ou vivant, elle devait le rejoindre, et le soigner… ou l’ensevelir ! Alors, elle alla droit son chemin, jusqu’au Puits des Arbouses.

Maurin, tout pâle, les yeux clos, haletait, couché sur le dos ; son chien léchait son visage ; du sang, il n’en paraissait guère. Le chasseur avait reçu une balle au-dessous de l’épaule droite ; sans doute l’épanchement était intérieur.

Tonia ouvrit le carnier du chasseur, y prit la gourde d’eau-de-vie, lui en mit quelques gouttes sur les lèvres, et lui mouilla les tempes.

— Maurin ! Maurin ! criait-elle en sanglotant !… Mon Dieu, Maurin ! qu’ai-je fait ! reviens à toi, mon pauvre Maurin !… Maurin !… Mon Dieu !… Maurin !… pourvu que tu vives, le reste ne me fait plus rien !… Tu prendras toutes celles que tu voudras, Maurin ! je ne serai plus jalouse !… ah ! misère de moi ! qu’ai-je fait de toi ! tu n’étais pas parjure, n’ayant rien promis !… Je n’étais pas ta femme ! tu m’avais prise, mais je peux bien le dire à présent, je t’avais désiré, voulu, je t’avais cherché ! … Reviens à toi, Maurin ! Maurin !

Elle le souleva légèrement, mit le carnier en oreiller sous sa tête, lui fit boire encore un peu d’aïguarden.

Il ouvrit les yeux.

— Ah ! c’est toi, Tonia ? je comprends, dit-il… c’était ton caractère. Je ne suis pas étonné !… c’était mon destin.