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L’ILLUSTRE MAURIN

vengeance ? tu ne comptes donc pas si l’occasion s’en présente, lui tirer un coup de fusil ?

— Pour me défendre contre lui, je le ferai au besoin, dit Maurin ; mais pour ce qui est de le tuer pour me venger de son coup de fusil de l’autre nuit, certes, je ne ferai pas cela.

Tonia eut une jolie moue :

— Tu n’es qu’un Français, dit elle. Je ne peux pas demander à un du continent d’avoir le sang des gens de notre île.

— La vie d’un homme, dit Maurin, ça ne peut pas se refaire ; il faut donc bien réfléchir avant de la détruire. Grondard est une brute et c’est son excuse, — mais il fera bien de ne pas m’attaquer en face !

À ces mots, le brave Maurin eut une telle flamme dans les yeux que Tonia lui sauta au cou : « Que je t’aime ! » cria-t-elle.

— Et, questionna-t-il, quand se reverra-t-on en cette saison froide ?

— Ici, des fois, si tu veux, dit-elle, dans cette petite salle où les clients de passage n’entrent pas et d’où je peux voir, à travers les vitres, en écartant le rideau, si mon père ne vient pas pour nous surprendre… Et s’il le fallait, tu as, de l’autre côté, la porte sur la forêt.

— Le rabà (blaireau), dit-il, a toujours deux trous à sa tanière.

Et il alla voir M. Rinal. Il entra dans le village fièrement, le fusil non chargé, son chien sur ses talons, salué çà et là par des gens qui le rencontraient.

Étant dans le corridor de la maison ouverte, chez M. Rinal, il frappa discrètement à la porte du petit salon, où il entendait parler le maître du logis.