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L’ILLUSTRE MAURIN

Amoureuse jusqu’à la haine de jalousie, elle ne voyait rien de la route qu’elle faisait. Elle avait jeté sur son épaule sa petite carabine et elle montait la colline en s’aidant à chaque pas, pour écarter les épines, de ses deux mains qu’elle ensanglantait. Les choses qui étaient sous ses yeux, les rochers fixes, les pierres roulantes, les noueuses branches, elle les voyait sans les voir. Cela passait sur le miroir de ses yeux sans laisser de trace dans sa pensée, comme le nuage reflété par la mer et qui reste indifférent au grand fond d’herbe ou de sable.

Dans son cerveau, il n’y avait qu’une image : Maurin embrassant Fanfarnette !

— Ah ! le gueux ! ah ! le menteur ! ah ! le bandit ! gibier de potence ! Ah ! ils ont raison, gardes et gendarmes, de vouloir arrêter ce gueux pour le livrer aux juges ! Mais ils ne l’auront pas, il est à moi, à moi seule ! C’est ma vendetta. Il est à moi. Il a fini de mettre à mal des filles, de laisser traîner des bâtards au coin des rues de tous les villages et jusqu’au fond des trous où sont les renards et les martres ! il a fini ! C’est moi qui le dis. Je leur rends service à toutes, à toutes ces filles stupides, qui le suivraient encore où il veut, quand il veut, comme il veut. Il en aura trouvé une du moins qui lui réglera son compte ! Il comprendra, à la fin, qu’on ne joue pas avec un amour de Corsoise. Nous allons voir ! Il va vouloir m’ensorceler encore, en me parlant… que dira-t-il ?… Que je suis sotte ! il ne faut pas rapprocher. Il faut l’apercevoir de loin… Oh !… et si, même de loin, aie voir, le cœur allait me manquer !… On est ainsi.. On se croit forte et puis on se sent tourner l’esprit dans la tête, et tout change, on dit : « Je suis