Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/477

Cette page a été validée par deux contributeurs.
459
L’ILLUSTRE MAURIN

Fanfarnette s’empara du miroir, l’ouvrit, se mira, sourit à son image et déclara avec une moue de résolution méchante :

— Ça, c’est des gages ; mais il faut que tu me paies ce que tu m’as volé !

— Fanfarnette, dit-il, tu es bien mignonnette et bien aimable, mais, en vérité, de moi tu n’auras pas autre chose.

— Tu galèges ! dit-elle. À présent il me faut le mariage, parce que tu m’as enlevé l’honneur.

Il demeura stupide d’abord, puis, ayant réfléchi un peu, il eut peur !

Comme il connaissait l’honneur de Fanfarnette, ce mot l’éclaira d’une lumière brusque et douloureuse sur les projets de la naïve pastresse. Il se sentit tout à coup en présence de l’ennemie ; il fronça le sourcil. L’expression de son visage se fit dure, farouche, presque terrible. Elle comprit à son tour qu’il lui était ennemi. Alors, après un petit silence, elle ajouta, toujours souriante :

— Autrement, j’irai partout disant que tu m’as prise de force, si jeunotte comme je suis, et tout le monde sera contre toi, même tes amis ; et les gens qui te veulent du bien te montreront au doigt, tu comprends ? Mais je sais bien que tu aimeras mieux m’épouser, pas vrai ?

Elle souriait comme une femme. Elle était sûre de soi ; quelque chose d’éternel et de fort émanait d’elle, la ruse d’Ève, terrible.

— Fanfarnette, dit-il, je ne suis pas facile à attraper. Il y a une différence entre moi et les rouges-gorges que tu pièges en gardant tes chèvres. Je sais ce que je sais, et c’est parce que je le sais, que tout à l’heure, quand