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L’ILLUSTRE MAURIN

Des souvenirs de cette Fanfarnette, il en avait deux ou trois autres — mais moins jolis, oh ! beaucoup moins !

À la vérité, jamais il ne l’avait si bien regardée qu’aujourd’hui et jamais elle n’avait eu cette beauté de jeunesse… « Il y a un an, se dit-il, c’était une enfant… À présent, ce n’est plus ça ! »

Se voyant ainsi regardée, elle se mit à rire comme elle avait ri quand la jarre s’était ouverte…

Et Maurin, qui venait pour voir Tonia, ne pensait plus à renvoyer Fanfarnette !…

Il la regardait toujours. Il s’assit, pas très loin d’elle, sur le tronc d’un chêne liège abattu. Déjà il songeait :

« Que Tonia doive venir ici, c’est vraiment dommage. »

Fanfarnette s’était rapprochée de lui.

— Quel âge as-tu, petite ?

— Est-ce que je sais, moi ?

Elle devait avoir dix-sept ans. Elle en paraissait quinze. Il se leva pour s’en aller. Il tâcherait de rencontrer Tonia, de l’emmener ailleurs…

— Vous partez, moussu Móourin ? Partez pas encore !

Il se rassit sur la bruyère écrasée…

Alors, d’un bond, la fillette fut près de lui, et, se couchant sur le dos, elle posa sa tête sur les genoux de l’homme… Renversée, face au ciel, elle le regardait ainsi d’en bas, avec ses yeux de chevrette, des yeux sans émotion, emplis d’une lumière sans âme… des yeux qui pourtant ont un secret… le secret des bêtes, et comme la morne et fatale volonté des choses.

La clochette du bouc conducteur tintait autour d’eux, dans la colline…