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L’ILLUSTRE MAURIN

à gauche, de gauche à droite, puis décidément chavirer, tomber brusquement.

En tombant, le flanc bombé de la jarre, sous le poids de la lourdotte, se fendit de long en long, et tout à coup, au moment même où entrait Maurin, la jarre en deux morceaux s’ouvrit et, à terre, au milieu de l’eau ruisselante, la fillette apparut couchée, blanche, rose et toute nue, et certes vite relevée, mais si embarrassée pour se cacher toute entière avec ses deux mains très petites, que, les portant tantôt trop haut et tantôt trop bas, elle ne se couvrait ici que pour mieux se découvrir là…

Bonne mère des anges ! quel souvenir !

Et pour ravoir ses vêtements, il aurait fallu se rapprocher de Maurin.

Et lui ne bougeait, pétrifié de surprise et de curiosité, de manière que de le voir si drôlement gêné, l’air tout bête, elle finit par rire aux éclats ; et, comme oubliant qu’elle était nue devant un homme, elle se mit à sauter en frappant ses mains l’une contre l’autre.

Peut-être savait-elle déjà par quelle puissance le diable se rend maître des hommes.

À la fin finale, elle avait dit, sans aucun embarras, mais au contraire riant toujours :

— Allez-vous-en à présent, moussu Móourin ! je m’habillerai bien toute seule !

L’honnête Maurin s’en était allé.

Voilà le souvenir qu’il avait de Fanfarnette et qu’il revit en lui-même brusquement, lorsqu’il la trouva au Chêne du Solitaire. Elle était très bien faite, la petite pastresse… Il voyait la jarre vaciller, chavirer, tomber et s’ouvrir… Aï ! pauvre Maurin !… Et Fanfarnette aussi se souvenait.