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L’ILLUSTRE MAURIN

— Tiens ! tu es toi, Fanfarnette ?

— Comme vous voyez, moussu Móourin.

Il se demandait comment il fallait faire pour l’éloigner. Il ne savait comment s’y prendre, non point, bon Dieu ! pour ne pas donner de mauvaises pensées à la petite (il savait trop qui elle était) mais pour ne pas éveiller sa malice et ses moqueries.

Réfléchissant ainsi, il se baissa machinalement afin d’examiner une toute jeune tige verte, à peine formée, qui crevait la terre à ses pieds… Et ne parvenant pas, tant elle était jeune, à se nommer la feuille qu’il maniait, il se demanda tout haut à lui-même :

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Puis il regarda Fanfarnette.

Et elle, posant sur lui son regard vague, son regard de chevrette, répondit lentement, avec un sourire aussi frais que la jeune feuille qu’il avait touchée :

— Ça ?… c’est une plante dans les bois.

Cette réponse de bêtise ignorante était délicieuse parce qu’elle achevait de faire de Fanfarnette la rivale de ses petites chèvres, et aussi parce qu’elle pouvait un instant faire croire à une parfaite innocence.

Il y a des paroles qui attirent le baiser, qui l’appellent, comme fait la fraîcheur des sources cachées et susurrantes sous les feuillées.

Maurin fut troublé. Il la connaissait, cette petite. Il la connaissait bien ! Au temps où il guettait l’aigle, elle était venue garder son troupeau autour de la bastide de Secourgeon à qui le maître des chèvres, un de la Molle, avait loué un droit de pâturage que Secourgeon sous-louait.

En ce temps-là, Maurin, occupé de la forte beauté de