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L’ILLUSTRE MAURIN

Et tous, alors regardèrent, saisis d’une admiration terrifiée, le cavalier qui entrait dans la tempête. Le cheval de Maurin se déroba dix fois, brusquement maté tout debout dans les sables du bord que par moments découvrait la mer. Il se cabrait, et sur son ventre les vagues déferlaient comme sur un rocher mouvant. Il pivotait sur ses jambes de derrière, et obstinément tournait la tête vers le rivage, mais à chacune de ces voltes, son cavalier, plus obstiné que lui, gagnait un peu dans la mer, vers le naufrage… Une dernière fois le cheval se dressa, mais, cette fois, au moment où il retombait sur ses pieds, il fut soulevé tout entier par une lame énorme… et il se mit à la nage… Maurin l’enveloppa dans ses jambes nerveuses, l’étreignit dans l’étau de ses genoux, lui tordit le col avec la bride ; les éperons mordaient les flancs de l’animal, dans ces eaux furieuses où peut-être il croyait sentir la dent d’on ne sait quel monstre inconnu. De hautes vagues passaient par-dessus la tête du cheval et parfois semblaient devoir renverser l’homme ; mais Maurin baissait le front et les traversait… Et il s’éloignait de terre… Une angoisse avait pris au cœur les assistants. Ils étaient là, six ou sept douaniers, avec Pastouré, tous chargés en statues inutiles, immobilisés par l’angoisse…

Les naufragés, cramponnés à leur barque chavirée, étaient poussés obliquement, par le vent et les lames, vers la pointe sud-est du golfe ; ils virent enfin s’avancer vers eux le sauveur intrépide… Mais Maurin les dépassa. Il jugeait ne pouvoir les prendre qu’en revenant vers la terre… Il tourna bride enfin, saisit un des hommes par les cheveux et hurla dans la tempête :