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L’ILLUSTRE MAURIN

coucher, pris d’épouvante. La mer fuyait les rivages du nord-est, et se ruait vers le sud-est. C’était la tempête bleue. Les énormes lames azurées se dressaient, portant, au faîte, des écumes, telles des montagnes dressant au ciel leurs neiges ; et le vent magistral arrachait aux vagues ces blancheurs bouillonnantes, les emportait au-devant d’elles, et c’était partout sur l’eau bouleversée un tel arrachement de ces écumes envolées que sur la mer semblaient rouler des nuages qu’elle suivait en hurlant, comme pour les rattraper. Aucune barque… Si, pourtant ! un bateau pêcheur en détresse là-bas !… Il s’efforçait de lutter contre la lame. Il espérait pouvoir se mettre à l’abri sous la pointe ouest de la baie de Cavalaire, et peut-être alors arriverait-il, avec ses quatre avirons, à gagner la terre… Un bateau de Saint-Tropez sans doute !… Maurin, sans rien dire, pressa son cheval de l’éperon ; Pastouré imita le mouvement. Dix minutes plus tard, les cavaliers couraient le long de la courbe immense de la plage.

Le bateau pêcheur paraissait avoir réussi sa manœuvre. Il était parvenu à se mettre sous le relatif abri de la terre, mais le mistral qui courbe jusqu’au sol les cimes des pins, chasse les vagues devant lui comme des troupeaux affolés ; et, au milieu de cette fuite des lames prises d’épouvante, le bateau, malgré l’abri de la terre, se sentait emporté loin d’elle. Les arbres eux-mêmes paraissaient fuir devant le gros temps ; courbés, ployés, baissés, ils semblaient une armée en déroute, saisie de panique, éperdument ; et ils imitaient la fuite folle des lames. Entraîné dans cet affolement de choses échevelées, le bateau perdait de plus en plus la terre… Les forces des hommes à bord, sans doute étaient à