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L’ILLUSTRE MAURIN
Aven un grand fué que nou brùlo.
Si sian immagina,
Per si lou fa passa,
Dé prendre leïs bouffés,
Au cùou dé si bouffa.

Et tandis qu’ils poursuivaient aussi les fillettes accourues pour les voir, — tout à coup surgissaient d’autres jeunes hommes en troupe, et déguisés en pirates mauresques et nègres qui mettaient les premiers en déroute et leur enlevaient les belles filles !…

Mais Maurin et Pastouré avaient bien d’autres affaires. Ils quittèrent au plus vite la Garde-Freïnet, sur les deux bons chevaux qu’ils avaient empruntés, et ils résolurent d’aller passer par le bord de la mer pour dépister leurs poursuivants. Ils comptaient prendre le chemin en corniche qui monte et descend, au flanc des Maures, sur les pentes méridionales, au-dessus et le long de la mer ; en cas d’alerte laisser là leurs montures et gagner les bois familiers.

Le mistral terrible avait repris vers quatre heures, et bien qu’il contrariât leur marche, ce vent favorisait leur fuite parce qu’il n’engageait personne à la promenade. Les chemins étaient déserts. La bourrasque ronflait en tempête. Dans le golfe de Cavalaire, pareil à un lac large d’une lieue, la mer, par mistral, ne vient pas de loin, — la côte, qu’ils suivaient, étant protégée par la pointe de Camara. Là-bas, à Saint-Tropez, cependant, les vagues se précipitaient sur le quai avec une fureur telle qu’elles le couvraient par instants tout entier, et trempaient d’embruns la statue du Bailli de Suffren.

Quand ils furent en vue de la plage de Cavalaire, Pastouré et Maurin assistèrent à un véritable ouragan. Tous les arbres de la plaine devant eux semblaient se