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L’ILLUSTRE MAURIN

Ils emplirent les seaux et les accrochèrent aux branchettes rompues qui hérissaient les perches.

— Sens-tu le fond avec tes pieds ?

— Comment veux-tu ! les bigues que voilà mesurent deux mètres d’eau, et c’est tant mieux.

— Si elles ne cassent pas.

— Chacun la sienne.

— Appuie-toi un peu sur les pierres. Il y en a par là plusieurs qui font saillie ; c’est comme des étagères qu’on aurait mises exprès.

— Nous sommes, dit Maurin, deux écureuils bien mal assis ! Mais nous avons la liberté de nos bras.

— Je voudrais voir, déclara Pastouré, la tête de Sandri à cette heure.

— On va nous croire morts.

— C’est bien justement ce qu’il faut…

Les deux hommes gardèrent un moment le silence.

— On s’ennuie ici, gémit Maurin.

— Pense, dit Pastouré, aux malheureux qu’on enfermait dans les souterrains de la Bastille, et tu deviendras content, rien qu’à l’idée qu’on l’a démolie !

Après un silence il ajouta, gouailleur, en tirant sa pipe :

— Tu ne crains pas la fumée, qué ?

— Noum dé pas Diou ! s’écria Maurin tout à coup, j’ai perdu la mienne !

— Va la chercher ! répliqua Pastouré en riant silencieusement.

Il ajouta :

— Une pipe suffit. Nous fumerons l’un après l’autre.

— La fumée va nous trahir, fit observer Maurin joyeusement.